Le 13 juin au matin, un gros pick-up blanc sillonne les rues chics d'Edina. Sa mission: récupérer 4 jeunes français qui partent à la conquête de l'Ouest. Lisa nous emmène à l'aéroport et nous voici enfin seuls tous les 4, prêts pour l'ultime voyage américain: le roadtrip en Californie !
Tout d'abord, présentons les protagonistes:
- Julien, homme viril s'il en est, éternel admirateur du moche et du sale.
- Charlotte, adepte du shopping, de la bronzette et surtout des siestes dans la voiture.
- Ophélie, aventurière accomplie et professionnelle de l'hésitation.
- moi-même, simplement heureuse d'accomplir un de mes rêves, râleuse invétérée et chanteuse casserole à mes heures perdues (et il y en a pas mal !).
Nous nous envolons donc dans la matinée pour San Francisco. Il nous faut d'abord faire une escale à Denver, Colorado, dans une purée de pois digne des bulletins météo les plus déprimantes de Londres. Nous avalons vite fait un Panda Express, qui, comme son nom l'indique, est un fast-food spécialisé dans la bouffe chinoise (plutôt pas mauvais pour un fast-food !). Panda Express se verra d'ailleurs vite rebaptisé par nous-même Panda de Chine, pour des raisons inconnues.
Le deuxième avion survole les rocheuses enneigées et c'est rapidement l'arrivée à SF, qui apparaît brumeuse sur sa petite péninsule, entre l'Océan Pacifique et la fameuse Baie. Je n'apercevrais pas le Golden Gate mais par contre, j'ai une jolie vue sur le Bay Bridge.
Après une bonne heure de transports, nous arrivons à notre auberge vers 15h30 et découvrons les lieux avec émerveillement. En effet, l'auberge où nous logeons a été trois ans de suite nommée meilleure auberge des USA, et il y a de quoi. Le réceptionniste est sympa, tout est propre, les couvertures ne grattent pas, il y a de l'ambiance...nous sommes comme des coqs en pâte !
Notre première destination sera le Haight Ashbury, quartier hippie qui fait l'objet d'une fascination de ma part depuis ma période hippie en 1ère (et pourtant j'ai même pas fait Art Pla ! Le cœur du quartier se situe à l'angle de Haight et de Ashbury, tout près du Golden Gate Park, ou plutôt de son Panhandle (manche de poêle). Ce jour-là se tient la Street Fair, sorte de kermesse annuelle où se baladent freaks et originaux en tous genres; entre les stands de légumes, de bijoux, de chapeaux, de T-shirts tye-dye, je me sens personnellement parfaitement à mon aise.
On sent tout de suite qu'à San Francisco on peut être n'importe qui. Les gens ont tous des styles vestimentaires très marqués, et tout le monde s'en fout. Les friperies et magasins d'occasions ou vintage bordent le Haight, tandis que dans les rues parallèles les maisons victoriennes, hautes en couleur, se suivent et ne ressemblent pas.
Je m'improvise guide d'une soirée, puisqu'il faut dire que ma connaissance en matière de hippies ne s'arrête que là où le LSD et la fumette commence.
Puisque la fête est finie, nous montons vers le Buena Vista Park, qui comme son nom l'indique, a la particularité d'offrir une très belle vue de la ville puisqu'il est logé sur une de ses collines. Nous débutons l'ascension en coupant à travers bois, parmi les conifères. Il faut dire qu'on a pas mal mérité la belle vue qui s'offre en haut. Nous apercevons un pilier du Golden Gate derrière une autre colline, et les rues escarpées qui s'alignent comme le maïs dans les champs mosellans (je m'excuse de cette comparaison). Après quelques photos, les estomacs commencent à gronder et nous redescendons donc vers le Haight pour y manger.
Nous décidons ce soir-là d'aller nous coucher assez vite pour économiser nos batteries, et malgré une fiesta plutôt bruyante dans la salle commune voisine de notre chambre, c'est d'un sommeil réparateur que je m'effondre ce soir-là.
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"On y va, on y va on y va ??"
Ce matin-là, on aurait pu me prendre pour une gamine de 8 ans au moment d'ouvrir les cadeaux de Noël, ou au matin d'une sortie au zoo, tellement je piaffais d'impatience à découvrir la ville.
Le soleil brille ce matin-là dans les rues pentues, et malgré un bon vent du Pacifique, nous décidons que c'est une belle journée pour faire du sport.
Nous voici donc, après un arrêt express à un stand de lunettes de soleil, sur Fisherman's Wharf, le coin touristique à la Disney-land du port de SF. Les petites boutiques en bois se succèdent et les touristes arrivent à flot, mais nous n'avons qu'un seul objectif avant notre exploit sportif: les phoques. Enfin, les lions de mer.
Les fameux lions de mer de Fisherman's Wharf se prélassent sur des bouts de bois flottants (vous m'excuserez mon manque de vocabulaire marin), s'entassant par dizaines, plongeant, sautant, criant...sous les yeux attendris (ou dégoûtés, c'est selon) des touristes. Cela fait 25 ans qu'une colonie de lions de mer a élu domicile sur les docks de Fisherman's Wharf et ils ne sont pas prêts d'en partir, apparemment.
L'autre particulier de Fisherman's Wharf c'est qu'il nous offre un point de vue assez sympa sur Alcatraz, le Golden Gate, et les collines de SF. La Coït Tower (tour érigée en mémoire des pompiers) et la Transamerica Pyramid (une tour en forme de pyramide) se côtoient dans un duel de tous les instants. J'ai personnellement une préférence pour la Coït Tower, charme désuet d'une architecture à l'orientale, peut-être.
Après avoir flâné quelques instants, nous dégottons un stand de location de vélos (comme si c'était difficile) et nous retrouvons vite en selle (très confortable, les selles !), direction...
Le GOLDEN GATE BRIDGE !
Notre objectif du jour, le traverser, aller jusqu'à Sausalito (petit ville portuaire de l'autre côté du pont), et prendre le ferry pour rentrer et rendre les vélos. Rien de plus simple, "c'est tout plat", nous ont assuré les jeunes cadres dynamiques de Blazing Saddles (notre location).
Je pense que vivre à San Francisco doit déformer les esprits parce que les abords du pont ? C'était pas PLAT ! PAS DU TOUT ! On ne s'en rend pas forcément compte mais c'est vraiment que le pont ne rase pas la surface de l'eau...Il faut grimper la colline pour pouvoir accéder à ce vieux tas de ferraille rouge !
...ce que nous faisons tant bien que mal et c'est le début d'une traversée épique. Il est vrai que traverser le Golden Gate Bridge à vélo, c'est assez satisfaisant. On se sent un peu comme un conquistador, un pionner, oubliant les centaines de piétons et cyclistes que l'on double ou côtoie sur le trottoir, les touristes qu'on prévient d'un coup de sonnette que ça y est, on arrive, la compagnie est là.
Le brouillard qui enveloppait le pont depuis notre arrivée sur Fisherman's Wharf se lève peu à peu, et une fois de l'autre côté du pont, on a une jolie vue sur SF et ses immeubles.
Une belle petite pente, telle est notre récompense après l'effroyable montée et les 2km de pont. Nous descendons presque en roue libre jusqu'à Sausalito qui, avec ses airs de petite ville sympa, s'avère être un peu le Saint-Trop de la Californie avec ses boutiques de luxe et ses petits restos hors de prix.
Nous trouvons quand même des pizzas pas trop chères et digérerons dans un parc, à l'ombre des palmiers, en attendant le ferry qui nous ramènera, tel le Carpathia ramène les survivants du Titanic à NYC, qui nous ramènera donc vers SF non sans une bien jolie vue sur le Golden Gate Bridge qui veille sur nous comme un ami (oui, on est potes maintenant).
Comme il n'est pas trop tard à notre arrivée sur Fisherman's Wharf, nous décidons d'aller à la Coït Tower, non sans épicer un peu notre quotidien de touristes. En effet les deux sportifs du groupe (Julien et Ophélie) décident de s'y rendre à pieds tandis que les deux handicapées (je vous laisse deviner qui), jugeant avoir assez fait de sport pour la journée, préfèrent prendre le bus. Du haut de la colline, nous avons une bien jolie vue de toute la baie mais je suis la seule à gravir les marches de la tour pour gagner quelques mètres de plus. Je mitraille vite fait par toutes les fenêtres et redescends rejoindre mes camarades.
Prochaine étape: Lombard Street, la rue la plus pentue de la ville. Pas difficile de la trouver puisqu'elle s'étend à nos pieds, juste en bas de la Coït Tower. Elle descend d'abord en pente relativement douce, puis remonte plus escarpée que jamais; jusqu'à ses cent derniers mètres où elle est tellement pentue que la route a été construite en épingles à cheveux pour permettre aux voitures d'y passer (dans le sens de la descente seulement).
Une bonne suée pour terminer cette journée sportive, c'est bien ce qu'il nous fallait. Les cuisses travaillent dur et pour les soulager un peu, nous songeons un moment à monter à reculons. M'enfin, on arrive sain et sauf en haut et une volée de marches nous permet de longer le point le plus pentu, entre les maisons, les fleurs et les voitures. Y a pas à dire, pour vivre à SF, faut être sportif ! Ou si tu ne l'es pas en arrivant, tu le seras forcément en repartant !
Pour nous récompenser de tant d'efforts, une autre belle vue sur SF, avec en point d'horizon la Coït Tower et le Bay Bridge d'un côté, Alcatraz de l'autre. Attention cependant à ne pas se planter au milieu de la rue pour profiter de la vue, car les cable cars ne s'arrêteront pas pour vous ! Ce funiculaire typique de SF a justement une ligne sur la rue où nous nous trouvons.
Nous sautons sur le marchepied dès qu'une voiture arrive et dévalons la pente à fond de train, ne tenant qu'une petite barre. Nous montons, descendons, tournons dans une tripotée de rues avant d'arriver à Chinatown, où nous sautons en marche (non; je plaisante).
Nous y mangerons; ou nous gaverons plutôt, comparant nos fronts d'un rouge écrevisse. En effet, malgré le brouillard et les nuages, le ciel de SF nous a bien eus puisque nous avons presque tous chopés des coups de soleil. N'oublions pas que nous sommes en Californie !
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Le lendemain, il semble que je sois la seule à vouloir profiter de la ville au petit matin. J'embarque donc dans un bus en direction d'Alamo Square. Cette "place" occupée par un joli parc est connue pour ses "Painted Ladies", un groupe de maisons victoriennes bordant le parc et qui ont la particularité d'être peintes avec plus de trois couleurs qui accentuent leurs particularités architecturales. Derrière ces maisons, on peut apercevoir une vue très sympathique du reste de la ville. Alamo Square est aussi connue pour figurer au générique de la série "La Fête à la Maison", et en tant que fan, je ne pouvais pas louper ça.
Les dogsitters (babysitters pour chiens) se croisent dans le parc avec 5 ou 6 chiens par laisse, les promeneurs se prélassent dans l'herbe, et les touristes cherchent le meilleur angle pour leur photo souvenir. Je ne manquerais pas de demander à quelqu'un de me prendre devant les Painted Ladies, avant de reprendre mon chemin en direction du Haight, qui n'est pas très loin. Je me promène une fois de plus dans le quartier et m'arrête dans quelques boutiques, avant de rejoindre les autres au Golden Gate Park, ou je me paumerais plus d'une fois.
Le GGP est en effet un énorme parc boisé et fleuri, doté d'un jardin botanique, de quelques musées et même d'un parc à bisons, mais qui a la particularité d'emmener les promeneurs dans des petites allées perdues et sans aucune indication directionnelle. Je rejoindrais donc les autres devant le Jardin Japonais et nous irons nous promener au jardin botanique (le Jardin Japonais étant un peu trop cher pour nos bourses) avant de sauter dans un bus pour les docks.
Nous avons en effet réservé nos billets pour visiter Alcatraz, et pas question d'arriver en retard, car le ferry ne part qu'une fois ! Le trajet en bus s'avère plutôt long et nous décidons à mi-chemin de prendre un taxi...mais les minutes sont longues sur le trottoir à attendre qu'un chauffeur veuille bien passer devant nous ! Nous courons donc en direction du port tout en gardant un oeil sur la rue...et un taxi se présente enfin, nous embarquant dans une course folle à travers la ville, grillant quelques feux au passage, écrasant une mamie qui peinait à traverser la rue...
Nous arrivons donc pile à l'heure à l'embarquement du ferry et montons à bord, ravis. Le bateau s'amarre, tanguant, à Alcatraz et nous assistons d'abord à un briefing (obligatoire) de la part d'une Ranger sur la sécurité sur l'île. Nous pouvons ensuite visionner un petit film sur la prison et enfin emprunter le chemin qui monte vers le haut du "Rock", direction la prison.
Nous prenons un audioguide et chacun mènera donc sa visite en solitaire, armé de son appareil photo ou de sa caméra...Trois étages de cellules et trois couloirs pour une pièce de quelques centaines de mètres carrés...la promiscuité est rude dans les prisons américaines....
Alcatraz était une prison de haute sécurité, accueillant de grands bandits comme le célèbre Al Capone. Ce qui n'empêche pas certains prisonniers d'avoir quelques libertés, comme celle d'avoir des livres ou des instruments de musique dans leur cellule, ou de travailler à la bibliothèque ou au réfectoire.
Plusieurs fois des prisonniers ont tenté de s'évader, ne résistant plus à la tentation permanente de rejoindre à la nage SF qui les narguait depuis les rares fenêtres de la prison. Un évadé en particulier a fait preuve d'une grande ingéniosité en creusant un trou derrière le toilette de sa cellule pour accéder au mini couloir sanitaire qui se trouvait derrière, franchir une porte, neutraliser les gardiens, attraper une clé, sauter sur un balcon protégé par des grilles, et courir dehors, aidé par quelques complices. Une évasion qui rappelle bien sûr celle de Prison Break, dont les créateurs se sont, j'en suis sûre, inspirés d'Alcatraz pour créer le plan d'évasion de Scofield.
Une visite plutôt sympa dont nous profiterons bien et dont nous ressortirons satisfaits, avant de reprendre le ferry pour regagner la terre ferme.
Nous mangerons ce soir là sur Fisherman's Wharf, car nous avons eu vent d'une spécialité culinaire locale: le Surdough Bread Soup Bowl, autrement dit la soupe servie dans une boule de pain au levain évidée. Cette soupe sera plutôt une soupe au poisson, d'ailleurs. Nous nous régalons donc de cette spécialité avant de filer pour notre dernière soirée vers le Castro pour boire un verre.
Nous ne verrons point la boutique d'Harvey Milk mais passerons en revanche devant un mémorial à son honneur dans la bouche de métro du Castro. Au rayon évènement de la soirée, nous assisterons également à un feu de poubelle, achèterons des cookies dans une boutique assez spéciale et attendrons le bus pendant 20 minutes avant de se rabattre sur un taxi pour regagner l'auberge.
Le séjour à San Francisco m'aura personnellement enchantée et je me verrais bien passer quelques mois dans cette ville de toutes les libertés, cette ville charmante à l'européenne mais d'où une grande partie de la culture américaine a émergé...Je me dis qu'il y a beaucoup de choses que je n'ai pas vues mais que nous avons vu l'essentiel, et cet aperçu est largement suffisant pour me laisser une impression plus que satisfaisante sur la ville à l'éternel brouillard...